Le rituel est désormais bien rôdé, pour la plus grande joie des amateurs de Comédies Musicales de qualité : Fin septembre, Stage Entertainment France et le Théâtre Mogador ouvrent officiellement leur saison avec la Première de Gala du spectacle qui sera à l’affiche tout au long de la saison. Et comme nous vous l’annoncions le 11 février dernier, le choix s’est porté cette année sur Ghost.
Cette fois encore, en ce jeudi 26 septembre, les belles tenues sur tapis rouge sont de rigueur. Beaucoup de personnes sont là sur invitations, mais comme nous vous l’avions déjà expliqué l’an passé, quelques places sont proposées à la vente, ce qui permet de vivre une soirée unique dans des conditions privilégiées.
Les célébrités se succèdent devant le photocall, et les flash ne cessent de crépiter pour permettre aux différentes rédactions de pouvoir bénéficier des meilleurs clichés et de relayer l’événement. En entrant dans le hall, chaque spectateur peut aller trinquer au succès déjà annoncé de ce nouveau spectacle tant attendu.
Les portes s’ouvrent enfin. Projetées sur un voile occultant, des nuances bleues, évanescentes et diaphanes, masquent la scène, laissant juste apparaître deux phrases extraites de l’incontournable chanson phare du film, comme du musical : « Oh my love, my darling » et « I’ve hungered for you touch »…
Ghost reprend tous les éléments forts du film écrit par Bruce Joel Rubin et réalisé par Jerry Zucke. Sorti en 1990 et incarné à l’écran par Demi Moore, Patrick Swayze et Whoopi Goldberg, il rencontre un succès phénoménal et se voit récompensé par deux oscars l’année suivante.
Le Musical, créé lui en 2011 à Londres, connaît une belle carrière au Royaume-Uni puis aux Etats-Unis. Il a déjà été produit par Stage en Russie et plus récemment en Allemagne.
C’est cette version qui est aujourd’hui adaptée au public français. Seule l’inaltérable et cultissime Unchained Melody (un succès de 1965 que l’on doit aux Righteous Brothers) gardera sa version originale anglophone, toutes les autres chansons étant interprétées en français. Et bien sûr, avec en plus, la patte de Mogador.
Ghost navigue entre histoire d’amour, thriller et surnaturel : un jeune couple, Molly Jensen (Moniek BOERSMA) et Sam Wheat (Grégory BENCHENAFI) s’installe dans un loft de Brooklyn pour s’y construire un avenir radieux mais tout s’effondre lorsque Sam est mortellement blessé dans une rixe. Du corps de Sam s’échappe un double fantomatique, qui ne se résout pas à quitter l’amour de sa vie, quand il comprend que sa mort n’est pas aussi accidentelle qu’elle peut paraître et qu’un danger plane sur Molly. Par l’entremise d’une cartomancienne haute en couleurs Oda Mae Brown (Claudia TAGBO), Sam va parvenir à entrer en contact avec Molly…
Les spectacles de Stage Entertainment au Théâtre Mogador se suivent et ne se ressemblent pas. C’est bien le moins que l’on puisse dire. C’est même un doux euphémisme tant les différences sont innombrables entre Chicago et Ghost, présentés jour pour jour à un an d’intervalle.
Aux espaces seulement suggérés et aux lumières principalement blanches de Chicago succèdent de très nombreux décors, descendant des cintres, sortant des coulisses, devant un arrière scène judicieusement habillé d’un mur de leds que complètent des projections et des jeux de lumières bien plus colorés.
Des chorégraphies résolument modernes succèdent à celles glamours de l’univers feutré du cabaret. Les musiques jazzy s’effacent pour laisser la place à de splendides ballades, mais aussi à du slam, du rap, du gospel, de la soul…
Si nous avions adoré le parti pris artistique de Chicago, dépouillé de tout artifice, nous sommes tout autant séduit par tout ce que Ghost offre à foison.
Comme toujours avec les productions de Stage Entertainment, le cast offre des voix magnifiques et puissantes, au point d’en percevoir le son direct bien plus encore que par le système de sonorisation. La tessiture de Moniek Boersma, particulièrement mise en valeur dans son solo intitulé Toi, nous a réellement donné des frissons. Son léger accent est aussi absolument charmant. Le timbre chaleureux de Grégory Benchenafi renforce tout l’intensité dramatique de son personnage. Philippe Touzel complète notre tableau avec un talent indéniable.
Rien à dire, nous sommes dans l’excellence. Tout est parfait !
Mais il y a plus encore, avec, selon nous, les deux grandes véritables révélations de ce musical, à commencer par Abdel-Rahim Madi (qui interprète le rôle du fantôme du métro).
La voix d’Abel-Rahim, d’une intensité déjà rare, se trouve encore renforcée par des effets micro qui rendent son personnage encore plus terrifiant. Il intervient dans deux tableaux qui ne laissent personne indifférent, l’apogée étant atteinte dans l’acte 2 lorsqu’il déclame, puisqu’il s’agit de lui, un slam plein de rage avant d’enchaîner avec un rap au débit très impressionnant.
Là, c’est du grand art !
Et notre coup de cœur (manifestement largement partagé) revient, comme nous l’espérions, à la truculente Claudia Tagbo.
Ghost, c’est aussi bien plus que des chansons. D’ailleurs, il y en a tout juste 15, ce qui laisse la part belle aux scènes théâtrales. Ce qui permet, sans aucun doute, de coller de manière encore plus fine, au scénario de l’oeuvre originale Et là aussi, l’ensemble est vraiment très convaincant.
Le point fort de ce musical tient aussi, en très grande partie, à une scènographie absolument incroyable. Comme nous l’avons déjà évoqué, les nombreux décors, les effets de lumières et le mur de leds (finement utilisé) vous emmèneront dans une multitude de lieux : les rues de New York, le loft de Sam et Molly, la banque ou travaillent Sam et Carl, un ascenseur, un hôpital, un cimetière, le cabinet d’Oda Mae, le métro… Autant de changements qui aident, bien évidemment, à créer une réelle dynamique, comme l’offre le film lui-même. On a particulièrement apprécié que nombre de ces changements se fassent à vue, utilisant les noirs scène avec parcimonie, les réservant à des instants où ils sont nécessaires pour créer la surprise, la poésie, la magie, orchestrées à chaque fois en une fraction de seconde.
Vous l’aurez compris, multitude de tableaux, multiples atmosphères, pour vous entraîner dans la grande valse des sentiments. Pari gagné.
L’ensemble revêt quantité de rôles très différents, du plus chorégraphié, comme dans les tableaux dansés, au plus naturel, comme lorsqu’il s’agit de se transformer en nettoyeur de rue pour ramasser tout naturellement une boule de papier journal laissée dans le tableau précédent. Tout est très fluide, sans aucune anicroche, comme si cette équipe jouait déjà ensemble depuis des mois. Ce qui n’est bien évidemment pas le cas, le spectacle ayant seulement bénéficié des répétitions et de quelques avant-premières ouvertes au public.
Coup de chapeau enfin aux musiciens qui donnent vie aux riches partitions de Dave Stewart et Glen Ballard. Tous deux étaient d’ailleurs présents ce soir, accompagnés par l’auteur du scénario original, également auteur du livret et des paroles du musical original, Bruce Joel Rubin. Et après une standing ovation ô combien méritée, ils sont montés sur scène pour saluer les spectateurs mais aussi la troupe qui a su adapter, avec brio, leur oeuvre.
Vous l’aurez compris, Ghost est notre premier grand coup de cœur de cette saison 2019-2020.
Il en deviendra, à n’en pas douter, un incontournable.
Bravo à tous les artistes,
aux équipes techniques et artistiques,
pour ce très beau musical !
(Crédit photo en page d’accueil de ToïToïToï : Alessandro Pinna Photography)
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