« Il y a peut-être des Olmèques dans la salle… » Le spectacle n’est pas encore commencé, mais le dépaysement est assuré. La voix malicieuse et enfantine d’Esteban retentit pour demander aux spectateurs d’éteindre leur téléphone. Les Mystérieuses Cités d’Or -Le spectacle musical s’ouvre par une scène de taverne très énergique. Le décor est planté, l’intrigue enclenchée. Chant, danse, comédie, une dizaine d’artistes occupe la scène du Théâtre des Variétés. Des « aventuriers qui rêvent de conjurer le sort ». Dès lors, embarquement immédiat pour des dialogues efficaces et des péripéties en tout genre : « Paré à la manœuvre et cap sur les Amériques ! »
Le livret écrit par Ely Grimaldi et Igor de Chaille est celui d’un parfait spectacle musical : des petites piques qui font sourire les adultes, des blagues tendres portées par le duo Sancho et Pedro (Romain Tomas et Olivier Grandclaude) qui font glousser les plus petits. Les dialogues comiques, justement, ne cèdent jamais à un vocabulaire simpliste ou familier. Le registre reste courant, voire soutenu, par moments. De quoi divertir et enrichir les plus jeunes spectateurs !
Au-delà d’être une adaptation de qualité, la proposition artistique du spectacle elle-même est réussie. Arrêtons-nous d’abord sur Esteban (Marvin Stucin/William Salbot), l’enfant du soleil livré à sa quête initiatique, Zia (Manon Le Bail/Valentina Escobar) la petite Inca et Tao (Durel Njounkou Loumouanou/Joao-Philippe Oshoffa) le dernier descendant du peuple de Mu. Enfin, arrêtons-nous sur… Aaaaaahahahahah, Esteban, Ziaaaaa, Tao, les Cités d’Oooooor . Intrépides, mignons, et surtout, doués. De leurs voix tantôt cristallines tantôt éraillées, de leurs mouvements vifs, ils entraînent le public dans leurs aventures. Comme ils le chantent si joliment : « Parce que c’est toi, parce que c’est moi, et puis aussi parce qu’on est trois! »
Esteban est touchant et fougueux, Tao, impertinent et porteur de belles valeurs (« Ne jamais négliger les animaux, les fleurs et la nature », retenez-le bien). Quant à Zia, elle est la Hermione Granger de ce trio. A l’instar de la jeune sorcière d’un tout autre univers, elle est douce et insolente à la fois, brillante et indispensable à ses deux jeunes compagnons. A noter aussi qu’elle « ne sait pas faire la soupe! » Jamais cantonné à la « caution féministe » d’une adaptation de l’an 2021, le rôle est percutant. On retient cet échange : « Mais dans quel monde vit-on ? Une fille, avec un pistolet ? -C’est peut-être ça, le Nouveau Monde ! » Les « popopoooo » et les «oui ! » fusent dans la salle.
L’allié de ce trio est incontestablement Pichu, le cacatoès qui fait éclater de rire les enfants, là où son majestueux rival ailé, le Grand Condor, les émerveille. Visuellement, il mobilise des projections vidéos et des décors mobiles fluorescents dignes d’un conte. L’utilisation des rideaux de scène en guise de décor via des projections permet d’habiller les transitions à plusieurs reprises. Les lumières des tableaux sont immersives ; on passe d’un bleu profond de tempête menaçante à un vert franc de végétation luxuriante (dans lequel se fond à merveille la cape violette de Mandoza, interprété par l’impeccable Sebastiao Saramago). Lorsque les Olmèques font leur apparition, dans leurs costumes écarlate, ils semblent flotter à quelques centimètres au-dessus du sol à chaque déplacement. Même depuis les plus hauts gradins du théâtre, on n’y voit que du feu et les petits spectateurs écarquillent les yeux.
Le salut final est le moment de sauter à pieds joints dans la nostalgie, avec la reprise collégiale de la chanson que tout le monde attendait -inutile de préciser laquelle-. Cette fois, ce sont les plus grands qui entament de bon cœur le refrain et se dévisagent, avec un sourire sous le masque. Leur regard avoue qu’ils ont pris autant de plaisir à (re)découvrir ces Mystérieuses Cités d’Or que les enfants qu’ils accompagnent.
by Valentine Ulgu-Servant