Encensé par la critique, plébiscité par le public, tant la saison dernière au Studio Hébertot que cet été au Festival d’Avignon, Contre-Temps est de retour dans la capitale.
Hier soir avait lieu la première représentation tant attendue à l’Artistic Théâtre devant des spectateurs avides d’en savoir enfin plus sur la vie de François Courdot, chef d’orchestre français, féru d’opérette, prix de Rome en 1939, parti à la conquête de l’Amérique pour y faire carrière et conquérir Broadway.
Comme tout un chacun, ce nom ne vous dit rien au premier abord. C’est parfois le lot des compositeurs de talent, en avance sur leur temps, restés incompris et finalement inconnus. Et pourtant, il n’a jamais ménagé ses efforts pour mettre son génie au service de la musique en tentant d’imposer son univers, ses convictions, et son art.
De son enfance à Fontainebleau aux plus grandes salles nord américaines, Marion Préïté et Marion Rybaka, accompagnées de Raphaël Bancou au piano, retracent, à un rythme effréné, la vie trépidante et tumultueuse (c’est là un doux euphémisme) de l’artiste, en interprétant les chansons qui ont pu l’influencer, celles des artistes qu’il a pu rencontrer, et bien évidemment ses propres créations.
Imaginez, pas moins de 40 morceaux ponctuent le spectacle, magistralement interprétées par le trio d’artistes. Les voix sont magnifiques, balayant au final de nombreux styles musicaux. Les prouesses de Raphaël Bancou sont magistrales, et ses explications ponctuelles sur les structures de tel ou tel morceau sont des petits bijoux de technicité et d’humour.
De l’humour, pour sûr, ce spectacle n’en manque pas. Il vient se saupoudrer adroitement comme autant de petites touches savoureuses sur le récit de la vie de l’artiste. dans un univers tantôt joyeux, tantôt sombre voire dramatique.
A ce sujet d’ailleurs, nous avons particulièrement apprécié le décor, minimaliste, qui se pose en habile métaphore des épisodes de vie et de l’état d’esprit du moment du compositeur.
De rencontres en péripéties, de découvertes en déconvenues, découvrir l’univers du créateur est absolument jubilatoire, et on a bien du mal à comprendre que son nom ne soit pas passé à la postérité.
Imaginez : un français qui tente de conquérir Broadway. L’histoire est poutant si belle !
On ne peut que tirer notre chapeau devant le travail colossal de recherche entrepris par les créateurs, Samuel Sené, Eric Chantelauze et Raphaël Bancou, qui ont choisi, totalement à contre-courant, de prendre le contre-pied de ce qui se fait habituellement : mettre en avant l’oublié, le sortir d’une injuste pénombre, pour le placer non pas à contre-jour mais enfin en pleine lumière.
Artisans d’un spectacle audacieux, ces contremaîtres talentueux ont décidé, pour notre plus grand plaisir, de contrevenir aux règles bien trop souvent établies du musical. Une sorte de contre-pouvoir est en marche pour contrecarrer le genre ! Sans artifice ni contrefaçon…
Alors, imaginez !